Aimez-vous le curry japonais?
Originaire d'Inde, arrivé au Japon via l'Angleterre, le curry est devenu le plat le plus consommé dans l'archipel en l'espace de quelques décennies. Histoire d'un plat national.
Aujourd’hui, il y a deux plats nationaux japonais. Le premier est le ramen, originaire de Chine. Le deuxième est, bizarrement, le curry. Ce sont les deux plats les plus consommés au Japon, le curry étant servi dans toutes les cantines même à l’école primaire.
Ou plutôt, le curry rice ou rice curry. Prononcez “kaléé-laïssou” ou “laïssou-kaléé”… Les deux se disent bien que curry rice soit désormais plus commun. Et même très souvent, curry tout court. Car au Japon, le curry est indissociable du riz.
Le curry, indien ou japonais?
Si vous aimez les vrais “currys” indiens1, vous n’aimerez sans doute pas leur homologue japonais. Car il est épais, lourd et gras, comme ces anciennes sauces françaises à base de roux, mélange de beurre et de farine. Il peut être très pimenté ou pas du tout, mais ses épices ne seront jamais très complexes – nous ne maitrisons absolument pas la variété et l’utilisation des épices comme en Inde. Vous y retrouverez des parfums somme toute classiques, malgré la publicité qui met en avant une “riche sélection” d’épices et aromates, arrondie par la pomme et le miel.
Trois, quatre ou cinq épices tout au plus, dont coriandre, cumin, curcuma, fenugrec, clou de girofle, cannelle…
Non, ce qui fait qu’un curry japonais est bon, ce n’est ni l’épice, ni le parfum, ni même l’umami. Ce qui le définit, c’est plutôt l’amalgame suave de textures veloutées et réconfortantes, de saveurs un peu épicées mais surtout enrobées dans une douceur sucrée et très légèrement acide-amère.
On le reconnait à sa structure moitié sauce-moitié riz, un yin et yang acajou et blanc, assez platement dressée dans une assiette occidentale, à sa sauce homogène et lisse, à ses morceaux grossiers de pomme de terre, de carotte et de viande, et, bien sûr, à son riz très blanc et nacré, tellement nippon.
Malgré une petite mode du curry “fait maison” et du “curry ethnique” (comprendre “plus exotique, plus indien”), on le fait rarement chez soi à partir d’un mélange d’épices en poudre. Car un bon roux de curry japonais est étrangement difficile à réaliser.
Ah, ce roux ! Ce n’est pas un hasard si “roux” (prononcer “lou”) est devenu un mot parfaitement japonais, quasi-synonyme de curry, et ce, depuis une centaine d’années. Ainsi, la plupart des Japonais ignorent que le mot “roux” vient de France où il ne désigne absolument pas le curry.
C’est le roux qui définit le curry, puisque le curry est le roux. Entendez-moi bien. Je ne suis pas du tout opposée au “curry” indien, évidemment sans roux. Au contraire, j’adore. Mais si je veux déguster pleinement la senteur, le parfum, la chaleur, la complexité, la richesse et l’umami des épices, je ferai un des innombrables plats indiens que nous appelons “curry”. Pas un curry japonais.
Je reviendrai sur le roux plus tard.
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