L'Orangerie par Alan Taudon
L'Orangerie est le deuxième restaurant du Four Seasons Hotel George V, dont le chef Alan Taudon signe la carte. Compte rendu d'un dîner brillant.
L'Orangerie est le deuxième restaurant du Four Seasons Hotel George V, et propose deux menus signés par le chef Alan Taudon. L'hôtel possède trois restaurants étoilés, dont le Cinq qui arbore ses trois étoiles Michelin depuis maintenant 7 ans, sous l'égide du maître Christian Le Squer.
Difficile de briller dans l'ombre d'un si grand chef... Surtout lorsque l'on a une personnalité plutôt discrète. Est-ce pour cela qu'Alan Taudon est si méconnu ? Pourtant l'Orangerie affiche complet plusieurs semaines à l'avance. Le restaurant est exigu : quelques mètres carrés de la grande cour intérieure qui ont été transformés en une petite terrasse couverte, toute en verre. La première fois que j'y étais venue, c'était peu après l'ouverture du lieu. J'ai pensé que cela donnait l'impression d'être dans un placard, certes de luxe, caché de la grande salle de la Galerie par des fleurs et feuilles à profusion. Mais le sol en mosaïque ancienne, le mobilier moderne chic et confortable, contribuent à donner à cet espace à la fois tout petit et entièrement transparent, un air cosy et aérien, tout en transparence de lumière et presque de l'air. Hommage à la décoration intérieure signée Jeff Leatham... Toujours féerique.
Conçu depuis le départ sur une idée décidément tendance, avec un menu pescétarien (sans viande) et des dressages extravagants, le lieu pourrait être le n-ième restaurant de palace beau et flamboyant, visant une clientèle plus Chanel qu'Escoffier.
Un écrin de plaisir
Mais non. Une fois passés les oh! ah! de joie et d'étonnement devant les apéritifs émergeant de la fumée bouillonnante de glace carbonique, l'on s'aperçoit avec un second étonnement - peut-être plus important-, qu'il y a du goût. Du vrai. Ici, on déguste le visuel brillant, coloré, extravagant, l'ambiance transparente et lumineuse, et une cuisine qui, tout en répondant parfaitement aux attentes actuelles, repose sur de très solides bases de goût, de saveurs, de parfums. Cuisine cosmopolite, intégrant le Mexique, le Japon, la Thaïlande, la Russie, mais résolument française malgré tout.
Les cuissons sont d'une justesse admirable. Celle de la daurade ce soir-là était tellement merveilleuse que nous en soupirions d'un plaisir purement sensuel. Peau fine légèrement craquante; chair parfaitement juteuse, nacrée, fine; un sel parfait, calibré au nanogramme. Les sauces sont jolies, originales et terriblement délicieuses. Celle de la daurade, au piment jalapeño, est devenue une signature du chef. Parfumée, sans le feu du piment mexicain tout en conservant ses arômes très verts, elle est fine et liquide mais puissante, fraîche et goûteuse.
Celle qui accompagne l'asperge blanche rôtie est absolument exquise, mettant à profit à la fois le doux juteux de la cerise crue et le velouté capiteux de l'œuf, ponctués par le croustillant du curcuma frit.
Sapidité
Chaque plat est non seulement surprenant par son originalité mais avant tout, par sa sapidité. Les desserts de Michael Bartocetti, d'une gracieuse légèreté, suivent la même ligne de conduite : une simplicité illusoire doublée d'une réelle profondeur savoureuse.
Cela faisait longtemps que je n'avais pas rencontré une telle gastronomie, de luxe assumé dans le fond et dans la forme. Une fraîcheur de goût doublée d'une richesse résolument française, à l'opposé de l'austérité gustative ou de la lourdeur néo-bourgeoise qui semble de mise aujourd'hui. Et l'on découvre avec surprise que L'Orangerie n'est dotée que d'une seule étoile au Michelin, là où l'on s'attend à deux voire plus.
Galerie d'images
En début de soirée, le lieu est baigné dans une lumière du jour indirecte et douce. Puis, progressivement, celle-ci est remplacée par la pénombre illuminée par du bleu, du violet, du rose, tant de reflets cristallins dont la source reste mystérieuse. Cela peut rendre la prise de vues difficile, mais le vécu s'avère absolument enchanteur, comme soupirer d'aise dans un écrin de verre de Murano.