L'étoile est perdue mais la popularité est toujours au RDV.
Le thon est le premier poisson qui nous vient à l’esprit lorsque nous pensons à un restaurant étoilé. Il est rare que nous associons le Michelin et la sardine, poisson du peuple par excellence. Il existe pourtant un vénérable restaurant réputé pour ses sardines dans le quartier de Shinjuku. Ouvert depuis 1962, Shinjuku Kappo Nakajima (NDLR kappo désigne un restaurant de haute cuisine japonaise servie au comptoir) est le deuxième établissement de Kappo Nakajima, dont la maison mère fut fondée en 1931 à Ginza par le grand-père du chef actuel, lui-même chef d'un précédent restaurant étroitement lié au gastronome Kitaoji Rosanjin.
Malgré la perte de l'étoile Michelin, les clients continuent à faire la queue sur les escaliers qui descendent vers le sous-sol où se trouve l'entrée du restaurant. Là, la patronne distribue la carte à chaque client afin qu'il puisse être rapidement servi. Anciennement hôtesse de l'air auprès d’une grande compagnie aérienne, elle met à profit son expérience pour guider efficacement les clients à leurs tables. Après avoir pris la commande, le chef prépare les sardines une par une. La mécanique est aussi bien huilée que celle de la classe économique d'un avion qui brasse un grand nombre de passagers en un temps record.
Les clients viennent principalement pour l'offre devenue célèbre sur les réseaux sociaux : « Déjeuner très bon marché, deux bols de riz inclus. Ancienne étoile Michelin. » La plupart des clients sont des jeunes qui ignorent totalement qui est Kitaoji Rosanjin, et on y voit aussi beaucoup de touristes venus de l’étranger.
Le restaurant propose cinq menus « sardines » dont le plus demandé est celui de la sardine panée. En deuxième position vient celui « Yanagawa nabé », plat traditionnel composé de sardines dans une marmite de brouillade d’œufs et d'oignons. Il y a un troisième menu de « sardine grillée au sel » qui n'est proposé que lorsqu'il y a un arrivage de belles et grosses sardines.
Tous les plats étant plutôt salés, les clients prennent volontiers le deuxième bol de riz. Il est vrai qu’au Japon, il est impoli de ne pas reprendre du riz mais lorsque le troisième bol devient payant à 110 yen (0,80€) plus personne ne semble intéressé, rassasié sans doute. On se demande si cette méthode qui consiste à servir un plat salé afin d’encourager les clients à reprendre un deuxième bol de riz, leur donnant ainsi un sentiment de satiété et de satisfaction, vient de Rosanjin...
La maison n'accepte que les règlements en espèces. Cela peut déconcerter les clients étrangers, mais lorsqu'ils quittent le restaurant, les salutations de la patronne sont aussi aimables que celles d'une hôtesse de l'air, mettant ainsi tout le monde à l'aise.
Chez Shinjuku Kappo Nakajima, la nourriture et le service ne sont peut-être pas de première classe, mais ils sont du niveau d'une parfaite classe éco. Le rapport qualité-prix est tout à fait correct et on quitte le restaurant satisfait.