Les mochis de la Maison du Mochi
Déclinés à toutes les sauces, températures et nationalités, les mochis aujourd'hui font un carton en France. Dégustation à la Maison du Mochi.
Déclinés à toutes les sauces, températures et nationalités, les mochis aujourd'hui font un carton en France. Dégustation de 8 parfums.
Ce n'est pas parce que j'ai participé au podcast de la Maison du Mochi que j'écris ce petit billet... enfin, si quand même un peu, car sinon je n'aurais pas eu l'occasion de goûter les huit parfums disponibles ce jour.
J'avais rencontré Mathilda Motte, la fondactrice de la Maison, il y a quelques années (dix ans? quand même pas?) lors d'une émission de radio RCJ animée par Annabelle Schachmès. Elle venait de commencer à faire des mochis...que je n'avais pas trouvés super bons, j'avoue.
Mais ils étaient surprenants. Faits par une Française qui n'avait vécu qu'un an au Japon, mais qui était tombée amoureuse de cette texture "mochi" que l'on compare au lobe de l'oreille, avec le satiné des fesses d'un bébé.
À l'époque, le mochi était inconnu en France. Ce n'est que bien des années plus tard que le mochi glacé est apparu dans tous les restaurants...chinois.
Ces premiers mochis de Mathilda étaient gros et un peu patauds. Si ma mémoire est bonne, il n'y avait que deux parfums. Et je crois qu'elle ne les commercialisait pas encore. Elle les faisait tout bonnement dans sa cuisine quelque part près de Tours (je ne garantis pas la véracité des ces infos... ça date, et ma mémoire est une passoire).
Mais ce jour-là, quelque chose m'a séduite. Peut-être l'enthousiasme fébrile, nerveux, presque haletant de cette jeune femme respectueuse et modeste (elle n'a pas changé). Elle m'a donné envie de les suivre, elle et ses mochis. J'ai vu de loin ses premiers pas vers la commercialisation des mochis, d'abord par correspondance, puis à Paris ; l'ouverture de la première boutique, de la seconde. Jusqu'au jour où elle me demanda de signer la préface de son nouveau livre.
Aujourd'hui, ils sont tout petits, de la taille d'un macaron. Leur petit volume leur confère une impression de rien et on oublie qu'ils sont faits d'une enveloppe de riz, fourrée d'une pâte de haricots azuki. Cela en fait des féculents... ! Ils sont beaucoup plus nourrisants qu'ils en ont l'air, et beaucoup plus travaillés aussi.
Le vrai mochi
Le mochi de Mathilda – à l'instar des mochi glacés et tout ce que l'on appelle "mochi" en France – ne sont pas des "vrais" mochis car au Japon, le terme "mochi" désigne deux choses: du riz gluant cuit, tapé, pétri en une pâte lisse et opaque, qui sera abaissée et coupée en carré ou formée en boules. Ce mochi se mange notamment pour le Nouvel an en soupe, mais aussi grillé avec un peu de sauce soja et de l'algue nori. On peut également le déguster sucré, saupoudré d'un peu de sucre et de kinako (soja torréfié en poudre), mais cela reste minoritaire.
Le deuxième emploi du mot désigne une texture mochi c'est-à-dire molle, légèrement élastique, très légèrement rebondissante, et qui s'étire plus ou moins. Cela vient évidemment du vrai mochi qui peut s'étirer jusqu'à 10 cm ou plus lorsqu'il est frais et chaud.
Au Japon, nous avons tout un tas de douceurs qui prennent le mot "mochi": daifuku-mochi, warabi-mochi, sakura-mochi... Aucun n'est un "vrai" mochi car fait non pas de riz gluant mais de farine de riz gluant. Le suffixe "-mochi" leur vient de leur texture mochi-esque et non parce que ce sont des mochis à proprement parler.
Cela me fait sourire quand Mathilda fait des pieds et des mains pour appeler ses gâteaux "daifuku-mochi" car leur recette de base est celle du daifuku-mochi (que l'on appelle souvent "daifuku" tout court en japonais). Mais le mot "mochi" est trop ancré dans la langue française aujourd'hui...
Et puis, tout cela est tellement compliqué ! Vu par un Japonais, les daifuku de Mathilda ne ressemblent pas à des daifuku non plus ! Ils nous font davantage penser à des kibi-dango, que tous les Japonais connaissent par le conte de Momotaro, le petit garçon né d'une grande pêche qui descendait une rivière – d'où son nom, momo = pêche (fruit). Un vieux couple habitant la forêt attrapa la pêche et la coupa. Ainsi surgit Momotaro, un petit garçon qui partit chasser les démons sur l'Île des Démons, avec ses compagnons chien, singe et faisan à qui il donna des kibi-dango en récompense.
Daifuku
Daifuku, kibi-dango ou mochi, peu importe. Les mochis de la Maison du Mochi sont aujourd'hui de vrais bijoux. Ils font la moitié de la taille des tout premiers, beaucoup plus moelleux et "mochi". Leur couverture est légèrement translucide. À la manière des daifuku traditionnels, ils sont recouverts d'une fine couche de fécule pour les empêcher d'être collants au toucher.
Je ne sais pas combien de parfums il y a. Ils ne sont pas toujours tous présents à la boutique, sans compter que certains sont très saisonniers. Au début, j'avais une préférence pour les parfums classiques – le concept du daifuku jaune fluo était trop bizarre pour moi. Après tout, 99% des daifuku au Japon sont fourrés à l'anko, avec ou sans morceaux, avec ou sans une fraise (mais pas d'autres fruits).
L'anko est une pâte d'azuki sucrée, qui peut être tamisée pour une texture lisse, ou plus ou moins écrasée pour laisser des morceaux de haricot. Le shiro-an est un anko de couleur claire fait de haricots ou azuki blancs, utilisé comme base pour obtenir un anko de couleurs différentes. La pâtisserie japonaise est très colorée et monotone en goût... une fois sorti de l'anko, il n'y a pas grand chose. Contrairement à ce que l'on pense, nous n'utilisons pas énormément de sésame au Japon, ni dans la cuisine, ni dans la pâtisserie.
Dégustation
Curieusement, les parfums "traditionnels" de la Maison du Mochi sont moins sucrés que la norme japonaise. Anko, sésame et matcha ne sont que très peu sucrés, et comme ce sont des matières "sèches", sans jus et sans gras (sauf le sésame mais cela reste léger comparé au beurre), cela peut paraître fade.
A contrario, les parfums "français" comme le chocolat-praliné ou la pistache, ne sont ni trop sucrés ni pas assez mais sont d'une richesse que les autres n'ont pas. Quant aux parfums fruités, ils sont franchement acidulés – et le sucre leur fait du bien.
Je pense qu'aujourd'hui ce sont ces derniers que je préfère... ces saveurs acidulées et sucrées nous éloignent carrément du concept du gâteau japonais mais avec un thé vert désaltérant comme le sencha ou même un Tie Guan Yin chinois, cela se marie terriblement bien. Une impression délicieusement rafraichissante de croquer dans un fruit tout crème, juteux sans jus, qui s'échappe de cette enveloppe molle et fondante, finement farinée... Une pause dans l'après-midi, colorée à l'œil et en bouche, raffinée, délicate et ludique: vous verrez, cela fait un bien fou.
Post-scriptum : les mochis ne doivent pas aller au réfrigérateur car cela les assèche et les rend durs. Ils sont à consommer dans la journée ou au plus tard le lendemain car ce qui est bon, dans le mochi, c'est d'abord la texture. Cette texture molle, que l'on prend plaisir à presser entre les doigts, à soupeser sur la paume de la main, à mordre du bout des dents. Régression totale... il ne faut pas jouer avec la nourriture, dit-on, mais si ! C'est très reposant.
Une fois que vous vous êtes bien amusés à les tripoter, vous mordez dedans. Si si, il faut mordre et non tout engouffrer en une bouchée. Personnellement, j'aime en croquer un bout (moins de la moitié) et lécher la crème qui reste bien sagement à l'intérieur, parfois en la creusant un peu du bout de la langue.
Elle est plus ou moins dense selon le parfum: épaisse et compacte pour l'anko. Crémeuse et fluide pour le citron. Enfin, une fois que vous avez léché une petite moitié de la crème (discrètement, à faire chez soi de préférence !), vous écrasez délicatement entre vos doigts le reste du mochi pour faire un sorte de mini-mini-mini-sandwich.
La nourriture est un jeu sensuel (je n'ai pas dit sexuel mais ça peut aussi). Se vider la tête et jouer avec un mochi... ceux de la Maison du Mochi s'y prêtent prodigieusement bien.