Astrance. Renouveau.
Peur d'être déçue ? Peur du passé ? Peur de toutes les critiques ? J'ai hésité pendant toute une année avant de me décider à y aller.
Les photos et les explications des deux repas à l'Astrance sont regroupées à la fin de l'article.
S’il y a bien un restaurant qui semblait damné ces dernières années, c’est l’Astrance. Rares sont les établissements qui ont suscité autant d’émotions très personnelles, entre jalousie, sympathie, compassion, tristesse. Du pinacle de la cuisine française, le restaurant, qui, jadis, à son ancienne adresse rue Beethoven figurait parmi les deux restaurants les plus difficiles à réserver de la capitale, est tombé dans un cruel oubli.
J’ai rencontré l’Astrance pour la première fois en 2007, lors de sa consécration par le Michelin. Trois restaurants avaient obtenu la récompense suprême cette année-là à Paris. Ce fut la dernière fois qu’il y en eut autant d’un coup. Parmi les trois, l’Astrance était le seul que je ne connaissais pas du tout, même pas de nom. C’est dire à quel point il était discret, ne faisant aucune publicité, connu d’un cercle étroit d’initiés qui venaient non pas pour le bling mais pour la cuisine.
Trois étoiles au Michelin
Car l’Astrance n’avait rien d’un restaurant triplement étoilé. Dans cette minuscule rue Beethoven, la façade vitrée donnait sur une petite salle dotée d’une mezzanine. L’intérieur était sobre « fait maison » (les patrons avaient installé eux-mêmes les lumières). Sur la table, aucune vaisselle de renom, à part une seule petite assiette Bernardaud, sans doute la moins chère. Ni Christofle ni Baccarat, mais des couverts inox et des verres inconnus. Malgré les nappes et serviettes en vrai tissu, l’Astrance a toujours arboré un air sans prétention tout à fait sincère car Pascal Barbot et Christophe Rohat avaient grimpé les échelons de la très haute gastronomie « sans faire exprès » après avoir ouvert ce lieu sans grande ambition au tournant du siècle. Alors on pourrait dire que la troisième étoile qui lui fut attribuée en 2007 était révolutionnaire pour le Bibendum, dans une époque où la table simplement en bois, tendance aujourd’hui, était impensable (en Europe, ce n’est qu’en 2010 que le triplement étoilé Le Calandre à Rumano en Italie, abandonnera la nappe tout en conservant ses étoiles).
En 2007, Pascal Barbot m’avait profondément séduite avec sa cuisine vive, originale, différente, humble, drôle, précise, délicieuse et absolument inoubliable. Et j’ai adoré le restaurant, orchestré par Christophe Rohat avec son humour, son accueil, sa conversation, son professionnalisme. L’Astrance était un lieu étonnant car, à la fois profondément modeste et exigeante, stimulant les sens tout autant que l’intellect, elle était unique au monde sans aucun effort conscient.