Abricot-boshi, comme un uméboshi doux et très gros.
Histoire et recette d'abricot-boshi, comme un uméboshi. L'uméboshi est l'abricot du Japon salé, fermenté et séché. Vous l'aurez vu un peu partout dans les bento, sur les tables japonaises, dans l'onigiri. Il n'est pas naturellement rouge mais il est d'usage d'ajouter du shiso pourpre pour le colorer et lui donner le parfum frais de la feuille.
Souvent appelé à tort "prune salée", l'uméboshi est le fruit de l'abricotier du Japon séché, un arbre appartenant au genre botanique Prunus qui regroupe plus de 300 variétés dont l'umé (abricotier du Japon), le sakura (cerisier du japon) et pratiquement tous les fruits à noyau: reine-claude, quetsche, mirabelle, cerise, pêche, amande etc. Il y a aussi la prune du Japon, qui, pour ajouter à la confusion, s'appelle sumomo ou "pêche aigre" en japonais...
L'umé ressemble beaucoup à un petit abricot. Au Japon, on l'utilise mûr mais encore vert pour la confection de l'uméboshi et de l'uméshu, pour sa fraicheur et son acidité. On peut utiliser le fruit plus mûr devenu jaune, mais moins souvent, car moelleux, il a tendance à s'écraser une fois mis à macérer au sel ou dans l'alcool.
Un tsukémono emblématique du Japon
Autrefois on interdisait aux femmes de faire l'uméboshi pendant les règles. Allez savoir pourquoi les hommes auraient voulu se garder la préparation de ce tsukémono si basique... Ah oui, un mot sur le tsukémono. Tsukéru signifie tremper, mariner, macérer. Un tsukémono est végétal, mais à part cela, il peut être tellement de choses ! Fermenté ou non, trempé dans un liquide ou non. Le gingembre gari qui accompagne les sushi est un tsukémono. De même, tous ces légumes servis dans des tout petits plats à tous les repas, coupés petits, commes les concombres croquants, les aubergines juteuses, les daikon légèrement acides... Leur point commun: ils sont salés et accompagnent le riz. Et l'uméboshi est peut-être le tsukémono le plus emblématique car il est servi toute l'année, à toutes les tables, dans tous les bentos, dans tous les foyers.
Lorsque l'on fait un bento uniquement avec du riz, un rectangle blanc avec juste un uméboshi au milieu, on l'appelle "hi-no-maru", c'est-à-dire le drapeau japonais, représentant un soleil rouge et tout rond.
On lui confère des vertus à l'infini, surtout pour la digestion. Ma mère m'en faisait boire en infusion quand, enfant, j'avais un bobo gastrique. Un uméboshi dans une tasse et de l'eau bouillante par-dessus. On attend un peu et on boit, en soufflant car cela se boit chaud ! Ce n'est pas mauvais mais ce n'est pas la plus sexy des infusions.
Un condiment passe-partout
L'uméboshi se mange seul avec du riz, garnit un onigiri, et sert aussi de condiment en cuisine, pour assaisonner un poisson, un tofu, un légume. Il suffit de le dénoyauter et éventuellement le réduire en purée au couteau. J'assaisonne ainsi des sardines à l'étouffée, c'est très bon. On le voit aussi sur le poulet en brochette yakitori, remplaçant avantageusement le sel et le jus de citron, l'umami en sus: avec sa couleur très rouge, il ressemble alors à un trait de ketchup.
Vers la fin du siècle dernier, un chewing avait cartonné dans l'archipel. Il était à l'uméboshi et au shiso pourpre. Sucré, agréablement acide et totalement artificiel, il avait néanmoins le bon parfum de l'uméboshi et du shiso qui se marient très bien.
Le shiso vert ou pourpre (le vert est plus facile à trouver au Japon que le pourpre) et l'uméboshi se marient tellement bien qu'on les utilise, réduits ensemble en tartare, roulés dans un sushi familial très frais.
L'uméboshi en France
J'ai essayé différents uméboshi disponibles en France, en magasin bio et dans les épiceries japonaises. Aucune marque ne m'a convaincue. Trop rêche, pour les uméboshi de marques bio. Trop mielleux, avec ajout de miel ou du sucre, le rendant bizarrement doux, pour les marques japonaises industrielles, sans parler des colorants, conservateurs et additifs divers.
Depuis quelques années, peut-être parce que les uméboshi sont devenus trop industriels, il y a un regain de l'uméboshi maison au Japon. Alors que la génération de nos mères n'en faisait jamais. J'ai aussi des amies (ce sont toujours des femmes...) japonaises, résidant en Europe, qui se sont mises à les faire.
Mais avec des abricots.
L'umé (le fruit) ne semble pas exister en Europe.
Alors je me suis lancée. N'ayant pas la persévérance de chercher des abricots verts, j'ai pris un kilo d'abricots mûrs chez mon maraicher.
Résultat surprenant. Extrêmement proche de l'uméboshi, un tout petit plus plus doux, sans doute parce que les abricots étaient bien mûrs. Plus gros, de la taille d'uméboshi très onéreux au Japon. La peau est un tout petit peu plus épaisse mais cela n'est pas vraiment gênant.
Avec ou sans shiso pourpre, séché ou pas, dans tous les cas l'abricot-boshi est mille fois meilleur que les uméboshi du commerce. Et tellement facile !
La recette de l'abricot-boshi au shiso pourpre.
La recette de base de l'uméboshi est simple.
18% de sel par rapport au poids des fruits.
Les recettes japonaises mettent toujours en garde contre la moisissure. D'où un taux de sel de 18% et pas un gramme de moins. Certaines recettes préconisent même de stériliser les fruits avec un coup d'alcool avant de les mettre au sel. En France, le climat est beaucoup plus sec qu'au Japon, même les jours de pluie. J'ai essayé avec 15% de sel et cela n'a pas moisi.
Certaines recettes ajoutent du sucre pour adoucir l'adicité de l'uméboshi. Par exemple 14% de sel et 6% de sucre. À doser selon la sucrosité du fruit et votre goût, bien sûr. Pour ma part, je préfère sans sucre du tout. Je le trouve ainsi plus facile à utiliser comme condiment en cuisine.
Les quantités et les outils
1 kg d'abricots
150 à 180 g de sel
Une vingtaine de feuilles de shiso pourpre (à acheter quelques jours après la mise au sel)
-Un cure-dents ou autre objet pointu.
-Un récipient pour la macération. Une casserole émaillée, un bac en plastique, un moule profond en céramique... avec un fond plat et un couvercle. Ou un grand bocal en verre de type Le Parfait. Évitez les contenants en métal.
-Un poids, d'une taille inférieure à celle du contenant. Par exemple, une assiette plate avec un objet lourd dessus. Ou un sac en plastique type Ziploc rempli d'eau, dans un deuxième sac en plastique pour éviter les fuites, que vous poserez sur les fruits, à l'intérieur du récipient.
Les étapes de l'abricot-boshi
1. Retirez les abricots abîmés. Lavez les fruits en bon état et séchez-les avec du papier ou un torchon, en tapotant doucement. Avec un cure-dent, enlevez soigneusement le pédoncule et les matières brunes qui restent après l'avoir retiré, s'il y en a.
2. Placez les fruits dans le récipient. Ajoutez le sel. Mélangez doucement afin de ne pas cogner les fruits. Ce n'est pas grave si le sel ne recouvre pas les fruits de façon homogène.
3. Placez le poids sur les fruits. Couvrez et attendez 3 à 7 jours. Vous verrez la saumure "vinaigre d'abricots" submerger les fruits.
4. Effeuillez les brins de shiso pourpre en retirant bien la tige de chaque feuille. Lavez et séchez les feuilles.
5. Prélevez une bonne cuillerée à soupe de "vinaigre d'abricots" et versez-la sur les feuilles. Pétrissez les feuilles dans le "vinaigre": elles réduiront très vite de volume et le liquide deviendra rose fuschia ou violet.
(Les feuilles de shiso peuvent être un peu âpres. Dans ce cas, il convient de les pétrir au sel. Essorez-les bien en les pressant dans vos mains. Répétez l'opération deux fois avant de procéder à l'étape 5.)
6. Défroissez un peu les feuilles et ajoutez-les, avec leur "vinaigre", dans le récipient des fruits. Remettez le poids et le couvercle. Lorsque le "vinaigre" aura atteint 2 cm de hauteur au-dessus des fruits, vous pourrez retirer le poids.
7. Attendez, si possible un mois. Les fruits peuvent être mangés au bout d'une semaine mais ils gagnent en umami avec le temps. Autrefois au Japon, on mettait les fruits à macérer en juin, et on attendait la fin de la mousson, en juillet, pour les sortir et les faire sécher au soleil.
8. Sortez les fruits du "vinaigre". Gardez celui-ci, il est très bon ! Étalez les fruits sur un panier en bambou, une passoire plate en plastique ou un Sopalin sur une grille, à sécher si possible en plein soleil, sinon dans un déshydrateur ou encore dans un endroit bien aéré et sec. Si vous les mettez à sécher à l'extérieur, ne les rentrez pas la nuit: on dit que la rosée de la nuit les rend encore meilleurs !
9. Le degré de séchage dépend de votre goût, si vous préférez vos abricots-boshi plus secs ou plus moelleux. S'ils séchent à l'air libre, comptez deux ou trois jours.